Samedi 1er juin 2013 à 11:57


 
Bien que le végétarisme (et le végétalisme, que je choisis de regrouper dans le terme par commodité) soit considéré comme une pratique alimentaire moderne, on rencontre certains de ses partisans dès l'Antiquité avec Pythagore et Platon. Cette pratique est popularisée par le Mahatma Gandhi au XXième siècle, avant d'être reprise ces dernières décennies par le mouvement hippie et le mouvement écologiste, au sens large du terme.

Ce régime consiste, grossièrement, à exclure tout apport animal de nos habitudes alimentaires. Cette pratique est parfois associée à l'idée d'une meilleure santé, mais elle découle avant tout d'une réflexion éthique ou philosophique (qui cache le terme morale) et écologique. Comme toute pratique exclusive, elle dissocie ceux qui font comme nous des autres, sans mentionner les différents courants propres au végétarisme, créant d'autres scissions au sein même de cette pratique.

Le végétarisme est souvent présenté comme une avancée majeure dans la conscience de l'humanité et sa capacité à reconnaitre la conscience chez les animaux. Or, nous verrons également que c'est la morale qui sous-tend ce régime, plus que des considérations zoologistes. 

L'un des principes fondamentaux avancées par les tenants de cette pratique est la cessation de toute souffrance animale. Louable initiative, qui apparait pourtant dérisoire car vue par le prisme de l'humanité. Si le mouvement antispéciste à des opinions très intéressantes à faire valoir, il n'en est pas moins loin d'être parfait, car il occulte la souffrance inter-animale et intra-animale pour se focaliser sur les dommages occasionnés par une seule espèce (l'être humain) à un ensemble d'espèces (les animaux). De fait, le mouvement antispéciste peut, dans certains cas, renforcer l'anthropocentrisme en plaçant l'être humain au-dessus d'espèces animales pourtant dotées d'une conscience. Si l'être humain est la seule espèce omnivore ou carnivore à refuser la zoophagie, c'est bien qu'il y a un ajout moral à toute la théorie antispéciste, plaçant l'être humain dans une position de dominance morale face aux autres espèces animales. Le mouvement antispéciste ne dit rien, par contre, du loup qui égorgera le mouton pour se nourrir. Il ne mentionne pas de loup devenu végétarien, car le loup n'applique pas de morale à son comportement alimentaire et se moque de la théorie antispéciste car elle est une théorie de confort, j'oserai même dire bourgeoise pour reprendre la terminologie marxiste. Si l'être humain DOIT montrer la voie de l'antispécisme, alors nous retombons dans le travers principal de cette théorie : l'être humain reste dominant par sa position morale.

Nous retrouvons également souvent la notion de non-violence associée à la pratique du végétarisme. La non-violence face à un animal théoriquement moins à même de résister à une attaque humaine, voire la non-violence "tout court", c'est à dire le refus de donner la mort à un quelconque organisme animal sur cette planète. Là encore, nous sommes en face d'un positionnement moral très intéressant et très pernicieux car difficile à réfuter, sinon à être placé dans une case de violent par les adeptes de ce régime (dichotomie qui n'est pas sans rappeler celles du bon et du mauvais citoyen, et autres joyeusetés).

Mon opinion, pour ce qu'elle vaut, est que cette notion de non-violence provient essentiellement des relents des religions (hindou, judéo-chrétienne, etc...) et de la sacralisation de la mort. Il est bien sûr évident que la mort est un processus par lequel se termine la vie d'un individu, quelque soit son espèce, mais l'imprégnation religieuse fait que la mort devient un processus maléfique, qu'il faut chercher à éviter le plus possible. Alors que rien n'est plus naturel que la mort. Pire, les religions et son corolaire, la morale, ont fait de la mort un processus violent, viabilisé par des violents et perpétué par des violents. Le mythe sous-jacent à cette notion, que nombre de végétariens ressentent inconsciemment mais ne verbaliseront pas, est le défi et le déni de la mort. Si l'on stoppe la course à la mort, nous stoppons notre propre course vers le décès. Pourtant, la mort fait que la vie foisonne, et inversement. Les deux sont intimement liés et l'humanité est capable de retranscrire ceci depuis des millénaires.

Par souci de commodité, je ne parlerai pas du sort qui est fait à toutes ces plantes arrachées à leur vie végétale, car il parait que les végétariens ne se soucient pas de la vie d'autrui quand on sort du monde animal.

Bien entendu, libre à celles et ceux qui le souhaitent de persévérer dans cette voie là, mais elle me parait faussée à la base même de son raisonnement.

Ces visions du végétarisme sont essentiellement imprégnées de morale, donc humanisées, conceptualisées et laissent dans l'ombre d'autres manières d'utiliser le végétarisme, qui me paraissent bien plus pertinentes car ayant une traduction concrète, loin des préchis-préchas de ce que j'appellerai le végétarisme moral, dont se contrefoutent pas mal les représentants des espèces animales.

Il en va ainsi du végétarisme de boycott et du végétarisme par préoccupation environnementale, bien que cette approche comporte aussi quelques biais. 
 
Le végétarisme de boycott s'est principalement développé face à la diffusion des conditions d'élevage en batterie de milliers d'espèces animales à travers le monde. Ces terribles conditions doivent être combattues par tous les moyens possibles, et le boycott économique me parait être une solution comme une autre. Il ne s'agit pas tant de cruauté (la plupart des éleveurs ne sont pas des monstres sanguinaires) que d'asservissement et de déni de la vie face à une logique économique, qui n'est pas sans rappeler le sort qui est réservé aux êtres humains dans certains endroits du monde, face à l'appareil productiviste (bien que moins sanglant en apparence). Néanmoins, le végétarisme de boycott et le végétarisme dans les pays occidentaux  en général est un moyen de soulager sa conscience. Car s'il est facile de se soulager en refusant d'acheter de la viande produite à partir d'animaux qui "vivent" dans des conditions affreuses, le cerveau fait une remarquable pirouette lorsque le militant devient un consommateur de soja ou autre aliment de substitution ruinant les terres et la vie de milliers de personnes à travers le monde.

En fait, il y a très peu de végétariens dans les pays occidentaux qui produisent leur propre alimentation. Ils sont donc dépendants d'un système de distribution et d'un système économique tout aussi aliénant, mais estampillé "vert". Ceci est légèrement contrebalancé par le développement des circuits courts , mais très peu de personnes y ont accès de nos jours.

Cet état de fait réduit malheureusement à néant une autre préoccupation majeure : le coût environnemental pour l'élevage des animaux. Pour celles et ceux qui ne sont pas encore au courant, l'élevage d'un animal consomme une quantité d'eau, de terres et de céréales révoltante. Seulement, l'économie de marché démontre encore une fois sa formidable capacité de récupération en accaparant d'immenses quantités de terres et d'eau pour développer des aliments à destination des végétariens ou autres, mettant en péril des cultures locales (agricoles et humaines), défrichant les forêts et détruisant les sols aussi "efficacement" qu'un élevage en batterie le ferait.  

Si bien qu'aujourd'hui et pour le plus grand malheur des prétendus écologistes qui les ont en horreur, le chasseur qui tue un sanglier (sur les millions qui parcourent nos campagnes) tous les trois mois pour se nourrir adopte un comportement bien plus protecteur de l'environnement que l'individu qui va se procurer son alimentation végétale dans une grande surface.

Le végétarisme apparait donc comme un comportement alimentaire soit moral et anthropocentré, soit comme une fausse solution face à la logique de l'économie de marché et au système financier. Il ne se trouve viabilisé que s'il est directement inscrit dans une logique d'autonomie alimentaire et de réappropriation de l'économie et de la vie locale, ce qui est très loin d'être le cas dans les pays occidentaux. 

Cette critique du végétarisme ne doit pas non plus occulter les immenses efforts qu'il reste à entreprendre dans la modification de nos habitudes alimentaires. La consommation de viande à l'échelle de la planète est démesurée, encore une fois, surtout au niveau des pays occidentaux. Elle entraîne de terribles dérèglements environnementaux et met en lumière le traitement affreux réservé aux animaux d'élevage dans une logique productiviste. Le végétarisme, lorsqu'il est en accord avec sa propre logique (autonomie alimentaire, réappropriation), ce qui est rarement le cas, est un bon moyen de lutte et d'émancipation face au système financier. Néanmoins, il ne saurait être le seul. C'est avant tout à ceux qui apprécient la viande et les aliments issus des animaux de lutter d'abord contre eux-même et l'inertie de leurs sociétés afin d'adopter des comportements alimentaires qui soient plus "naturels". L'élevage à l'échelle domestique ou encore la chasse des animaux en surpopulation ne sont pas des facteurs anti-écologistes, bien au contraire. L'élevage et l'agriculture productiviste (donc carnivore ET herbivore) sont des aliénations à combattre pour le bien de tout et de tous. Les végétariens n'ont pas plus raison que les zoophages, chacun devrait être libre de choisir ses préférences alimentaires. 

Pour cela, il faut se battre pour l'autonomie, la réappropriation alimentaire et le droit à l'alimentation partout dans le monde ; car aujourd'hui nous sommes en capacité de nourrir l'ensemble de l'humanité, pourtant nous sommes bien loin du compte. A nous de ne pas faire de "l'autre" (dans son comportement alimentaire) un adversaire, sinon il faut accepter de faire le jeu du système en place.

Bon, j'ai faim. Je m'en vais chercher les oeufs des poules. Merci à elles.

Mercredi 27 janvier 2010 à 12:43

En ce moment, le chômage est la première préoccupation des français. Ils sont cons ces français, le président a dit que le chômage allait sensiblement reculer, alors pourquoi s'en préoccuper ?

Laissons donc de côté le chômage et occupons-nous de ce qui, à mon avis, est une perversité encore bien plus grande : le travail.

Travail est la déclinaison du mot latin tripalium (ça pas mal de monde le sait) qui est un instrument de torture. Déjà, ça sent pas bon.
Depuis des millénaires donc, le travail porte une connotation de douleur, de torture et d'évaluation sociale.

De nos jours, le travail porte une connotation de citoyenneté, de responsabilité, d'indépendance et d'ascension sociale.

Mais bordel, COMMENT en est-on arrivés là ?

Le travail est devenu le moteur de la société capitaliste de consommation. On gagne son salaire en produisant, on le dépense en consommant (je reste volontairement simpliste sur ces notions que vous pouvez approfondir par vous-même, afin de ne pas perdre le fil de mon raisonnement), et la boucle se répète inlassablement.
De fait, un individu sans "ressources" (nouveau terme pour l'argent, allez savoir pourquoi..) sera mis au ban de la société, qu'il le souhaite ou non. 
Le travail apparait donc comme le moyen de se faire une place dans la société, d'exister en tant qu'individu puisqu'aucune autre alternative ne nous est proposée. Travailler est on ne peut plus nécessaire, un citoyen qui travaille est un bon citoyen, un citoyen au chômage un mauvais citoyen, un citoyen qui ne veut pas travailler... n'est rien du tout.

Théoriquement, nous sommes censés passer entre 40 et 50 années de notre vie à bosser comme des chiens pour gagner un petit pécule une fois notre inutilité avérée (comprenez l'âge de la retraite). Est-ce que quelqu'un ici à sérieusement envie de se taper autant d'années de boulot ? Si oui, félicitations pour vous, même si je vous considèrerai comme un(e) sacré(e) con(ne).

Le travail apparait d'autant plus important qu'il est soumis à l'argent. Ou plutôt, NOUS sommes soumis à l'argent. On ne gagne pas sa vie quand on se met à bosser, arrêtons de nous foutre cette idée en tête : vous donnez de votre vie, en échange on vous donne un peu de votre argent. En gros, nous ne sommes pas si différents des putes sauf que nous ne nous risquons même pas à le reconnaitre.

Alors, on arrête de travailler ?

JAMAIS ! OH GRAND JAMAIS ! SUPPOT DE SATAN ! FEIGNASSE DE MES DEUX ! ENCULE DE JEUNE !

Voilà, grosso merdo, les réactions que l'on peut entendre lorsqu'on évoque la suppression du travail. Même un gros syndicaliste tout rouge (en fait, surtout lui) sera ulcéré par l'idée même de la fin du travail. Tout le monde ou presque vous gueulera dessus parce que le seul horizon qu'ils ont et ont toujours eu, c'est leur travail, leur petit plan de carrière minable et toutes les moisissures qui vont avec. C'est vraiment à gerber. 
 

La réussite sociale est évoquée à travers le travail, tout comme la réinsertion. Toutes les politiques de soutien, d'accompagnement passent par le travail. Toute votre éducation consiste en un seul but : vous amener sur le marché du travail. Vous n'avez pas d'avenir en dehors du marché du travail puisque le marché du travail est votre avenir, imposé discrètement avec mille artifices, mais présent quand même.

Travailler nous enferme dans des habitudes de vie qu'il devient très difficile de quitter par la suite, horaires et cadences nous aliènent à notre condition de travailleur et font petit à petit disparaitre toute velléité d'insubordination au "destin humain".
La valeur de l'argent est également renforcée, pas sa valeur fiduciaire mais sa valeur immatérielle, l'importance qu'on lui accorde. On l'a gagné après tout, on le mérite bien !
Travailler nous lie bien souvent à un endroit précis, bouchant pas mal d'ouvertures vers l'extérieur et les autres. Parfois c'est le contraire qui se produit, avec l'hyper-flexibilité du travail on peut se retrouver à se déplacer presque tout le temps sans jamais pouvoir se ressourcer ou ne serait-ce que s'arrêter et se dire :

"Mais bordel, pourquoi est-ce que je fais ça ? ..."

Je ne suis pas en train de vous faire une ôde à la fainéantise, je prêche plutôt contre l'asservissement de tout individu. Le travail est l'un des meilleurs moyens inventés.

J'aime bosser. Dans ce qui me plait, et à mon rythme. Malheureusement, c'est l'individu qui doit s'adapter au monde du travail, au marché. Toujours plus de production, toujours plus de croissance, de PIB et autres conneries d'indicateurs qui ne reflètent nullement la qualité de vie, la vie même.
Si l'on bossait 2h par jour ou 8h d'affilée pendant deux jours de la semaine, notre vie serait beaucoup plus agréable.
On peut aussi envisager la transformation du mode de travail sur une année, ainsi, j'ai beaucoup d'amis qui travaillent deux, trois mois par an et qui jouissent de leur vie le reste de l'année. Comment font-ils ? Ils ne cherchent pas un appartement magnifique en ville, ne succombent pas à l'immense masse d'inutilités produites par la société de consommation. Bref, ils sortent du système tout en gardant un pied dedans, à la fois comme provocation mais aussi parce qu'il est extrêmement difficile et périlleux de se couper de tout.

Il faut se reprendre en main, et pour cela il faut aussi reprendre en main son outil de travail, sa conception du travail. Malheureusement, les occasions sont rares et la décision difficile à prendre puisqu'elle implique fatalement le rejet d'une grande partie de la société, à moins qu'elle ne vous rejette avant.
La ruche a besoin de toute la force de travail disponible et hyper-spécialisée pour assurer la survie de la ruche et non des individus.

On se tue à la tâche, que ce soit bien clair. 40 années de notre vie.

Nous devons retourner à une conception locale, auto-suffisante et non génératrice de profit du travail, c'est d'ailleurs le seul moyen d'aimer ceci à moins d'être passionné.
 

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